Un village de pêcheurs devenu motif impressionniste
Les Petites-Dalles
Une destination tendance
Si Dieppe connaît déjà un essor touristique sans précédent grâce à la duchesse de Berry, qui lance dans les années 1820 la mode des bains de mer, d'autres stations balnéaires ne tardent pas à suivre. Le Pays de Caux voit fleurir des lieux plus modestes telles que Berneval, Pourville, Varengeville… et Les Petites-Dalles, la plus isolée de toutes.
C’est la venue d’Elisabeth de Wittelsbach, impératrice d'Autriche, plus connue sous le nom de Sissi, qui infléchit le destin du village des Petites-Dalles en 1875 : il passe alors d’un simple hameau de pêcheurs à une station balnéaire estivale prisée !
Nombreuses sont les familles rouennaises à se retrouver aux Petites-Dalles durant l’été. Ainsi vont se constituer divers cercles d’estivants, dont la diversité forme la trame sociale de cette villégiature. Les mondes politique, littéraire et artistique se côtoient. Le célèbre journaliste Henri de Blowitz, correspondant du Times, vient pour la première fois aux Petites-Dalles en 1881 et tombe immédiatement sous le charme des lieux. De même, de nombreux industriels rouennais comme Auguste Chiffray, Henri Wallon et Léon Monet élisent domicile aux Petites-Dalles pendant l’été.
Émulation artistique en bord de mer
Situé à mi-chemin entre Saint-Valery-en-Caux et Fécamp, le village des Petites-Dalles jouit d’une situation exceptionnelle. Dans une échancrure géologique formée de très hautes falaises dressées à pic, les maisons s’étagent à flanc de coteaux dans un étroit vallon. À marée-basse, alors que se découvrent les dalles des soubassement rocheux, le panorama s’étend de Dieppe au Nord à Etretat au Sud. Le site, exposé au grand vent de la mer, garde son aspect sauvage.
Léon Monet, qui réside à Maromme près de Rouen, découvre le village au début des années 1870. Il y fait construire une petite maison à flanc de coteau, où il invite son frère, l’artiste Claude Monet. Séduit par le lieu, il y reviendra plusieurs fois. Tout le talent du paysagiste va s’exercer en ces lieux sauvages, se confronter à ces hautes falaises crayeuses et restituer habilement la grandeur des lieux ; cette nature brute, grandiose que son regard contemple et fixe dans sa peinture.
Camille Pissarro, fidèle ami de Claude, invité par Léon en 1883, posera lui aussi son chevalet face à la mer. Les écrivains Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, Jules Verne, Ernest Daudet (le frère d'Alphonse) y résident un temps et contribuent par leurs écrits à la renommée de la station.
Eugène Delacroix visite Les Petites-Dalles en octobre 1849 et le relate dans son journal :
« Environs magnifiques ; […] Arrivé à la mer par une ruelle étroite : on la découvre tout au bout du chemin. Mer basse. »
Le charme authentique et désuet des Petites-Dalles agit tour à tour sur les artistes peintresBerthe Morisot, Blanche Hoschedé-Monet, mais aussi Paul Valantin, Elie Nonclercq et Henri Bellery-Desfontaines.
Tant et si bien que le lieu devient… un nouveau motif impressionniste !