Peinture

La Moderne Olympia

LA MODERNE OLYMPIA

 

Cette œuvre, aux couleurs et tons éclatants, annonce l’évolution de la peinture de Cézanne vers l’impressionnisme. Le sujet est emprunté à Manet qui peignit la célèbre Olympia, une œuvre majeure du XIXe siècle qui fit scandale au salon de 1865.

La version que nous offre ici Cézanne a été peinte lors de son séjour dans la maison du docteur Gachet à Auvers-sur-Oise au début de l’année 1873, suite à une vive discussion sur le tableau de Manet.

A travers le titre - Moderne Olympia - mais aussi les variations qu’il introduit par rapport à l’original, Cézanne veut défier le « grand » Manet qui avait ouvert la voie de la Modernité. Ce n’est d’ailleurs qu’une des quatre variations connues de Cézanne sur ce sujet (il a également peint une huile sur toile en 1870 et réalisé deux dessins). L’artiste nourrit en effet à l’égard de Manet une forme d’ambivalence, un mélange d’admiration, de complexe et de défiance. Claude Monet, rapporte que Cézanne refusa de serrer la main de Manet lors d’une réunion du café Guerbois en déclarant : « je ne vous serre pas la main, Monsieur Manet, je ne me suis pas lavé depuis huit jours ».

Ici, Cézanne s’empare du sujet pour en donner une vision plus radicale. L’œuvre de Manet est empreinte d’un calme imperturbable, celle de Cézanne se situe dans le mouvement (mouvement de la servante qui enlève le voile, mouvement des cheveux d’Olympia) et le tourbillon des sentiments. L’artiste accentue le caractère érotique et dramatique de la scène en jouant notamment sur l’opposition des plans et des couleurs. Au centre du tableau, la femme se love au creux d’un matelas blanc tandis que sa servante noire dévoile sa nudité en soulevant le fin voile qui la protège. La femme apparaît dominante : elle surplombe un homme assis en contrebas et vêtu de noir. Cet homme, qui n’est autre que l’artiste lui-même, est placé comme un spectateur dans une salle de théâtre. Le rideau sur le côté gauche du tableau renforce cet effet de mise en scène et donne au tableau une note dramatique.

Lors de la première exposition impressionniste chez Nadar, Cézanne présenta trois œuvres dont celle-ci qui reçut un accueil particulièrement critique du public et des journalistes. En témoigne ces lignes de  Marc de Montifaud dans la revue L’artiste du 1er mai 1874 : « comme une vision voluptueuse, ce coin de paradis artificiel, a suffoqué les plus braves ...et M. Cézanne n’apparaît plus que comme une espèce de fou, agité en peignant du delirium tremens ».

(Auteur : Marguerite Moquet)

 

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