Man Ray et la mode expose le travail d’un artiste majeur dans un domaine considéré comme mineur. Dès son arrivée à Paris, Man Ray devient un photographe de mode puis, très vite, un photographe à la mode : toute l’intelligentsia et la communauté américaine de passage à Montparnasse se précipitent alors dans son studio. Ses portraits de commande le rendront célèbre, il saura utiliser pour certains toute sa connaissance des effets spéciaux : cadrage audacieux, surimpression ou encore solarisation, afin d’apporter une dimension supplémentaire à ses modèles dans le contexte de réalisations aux codes bien définis.
Mais qu'est ce que la solarisation, si chère à Man Ray ?
On sait que Man Ray prétend que cet effet aurait été inventé par hasard. Lee Miller, qui était alors son assistante et sa compagne, raconte dans une lettre à son frère, non datée, mais probablement de 1929, que c’est en travaillant tous deux dans la chambre noire que le procédé fut découvert :

© Man Ray 2015 Trust / Adagp, Paris 2020
« Quelque chose m’effleura la jambe, je criai et rallumai brusquement la lumière. Je ne découvris pas ce que c’était, une souris peut-être, mais je réalisai que le film avait été exposé. Dans le bac de révélateur se trouvaient une dizaine de négatifs développés d’un nu sur fond noir. Man Ray les attrapa, les plongea dans le bac d’hyposulfite et regarda. La partie non exposée du négatif, le fond noir, avait sous l’effet de la lumière été modifié jusqu’au bord du corps nu et blanc ».
Ce n’est évidemment qu’une légende et l’artifice était connu depuis longtemps sous le nom d’effet Sabatier, apparu en 1862. Il n’en reste pas moins que Man Ray le systématisa pour en faire une figure de style. Il apprit à le maîtriser totalement, offrant ainsi à l’écriture photographique une des caractéristiques du dessin : le trait noir qui vient souligner les formes et donne cet aspect irréel et flatteur dont raffolent les « amateurs de chiffons ».